On débarque à Cabana Conde après 5-6h de bus dans un petit bus pas confortable mais après avoir admiré une belle succession de paysages. C'est presque lunaire par endroit et je vois de loin mes premiers alpacas !

Arrivés sur place, on se rend compte qu'il n'y a pas de possibilités de retirer des sous et que tout pendant les 4 prochains jours se fera en cash. Heureusement, une auberge accepte de nous laisser retirer des sous moyennant un pourcentage assez élevé. On en profite pour acheter nos billets d'entrée pour le trek du canyon de Colca, LE plus grand canyon du monde ! On nous dira ensuite qu'en fait, si tu pars avant 8h, il n'y a pas de garde et après il n'y a plus de contrôles. Arf.



On démarre notre trek tôt le matin, enfin la campagne péruvienne ! On croise des terrasses de culture immenses et plein de petits champs. Ici, et comme dans beaucoup d'endroits au Pérou, l'agriculture se fait encore sur une petite échelle. Il y a beaucoup beaucoup de gens qui travaillent dans le secteur de l'agriculture – ça peut aller de 40% à 80% de la population selon les régions ! - chacun ses petits champs, beaucoup cultivés avec peu de mécanisation voir en traction animale.

Ce n'est pas comme ça partout bien sûr, il y a des régions où la monoculture industrielle est bien présente bien sûr mais il est à noter que malgré son développement important, elle n'a pas réussi à tuer encore l'ensemble des nombreuses petites fermes qui occupent les terres agricoles du pays.  




Nous descendons avec nos sacs, allégés du superflu pour ces trois jours de rando. 1000 mètres la première journée. Ca fait mal aux cuisses et aux mollets en fin de journée ! Heureusement, à notre première halte, il y a des bains chauds d'une source chaude naturelle. Du coup, on se prélasse bien longtemps au bord de la rivière, ça fait un bien fou !



Il n'empêche que le lendemain, j'ai bien les jambes en bois et qu'il faut monter d'abord, avec nos sacs qui ne nous semblent plus si allégés que ça. Avec notre filtre, nous maintenons nos bouteilles remplies d'eau potable. Il a fait très chaud la veille et ça ne change pas. Toutefois, cette deuxième journée sillonne le flanc du canyon entre petits villages et petits champs de culture, maïs ou cactus, ou encore vergers, principalement à l'ombre. Au point culminant de la journée, même pas le temps de dire bonjour aux touristes qui se reposaient là avant nous, l'un deux crie « condor ! », et effectivement, sorti nous accueillir, on découvre émerveillé un immense oiseau noir qui tourne autour de nous dans l'immensité du canyon qui déroule sous nos pieds. +700m puis -700m, une petite journée en somme, bienvenue car mes jambes à défaut de s'être reposées, ne vont pas plus mal le soir même. A l'oasis de Sangualle, nous découvrons avec surprise, une grande cascade et un espace vert luxuriant et rempli de fleurs tropicales, des hibiscus éclatants et de l'eau partout, quel contraste avec la sécheresse des flancs du canyon ! On observe même un colibri ! Dans la même journée, on aura donc vu un des plus grands oiseaux du monde et un des plus petits !



Le lendemain matin, c'est la souffrance, une vraie catastrophe ! Je pourrais bien remonter en mule, le « donkey taxi » comme cette jeune fille croisée la veille sur le chemin en fin de journée et qui pleurait de fatigue. Finalement, après avoir serré les dents bien fort sur les premiers pas, je trouve mon rythme dans une douleur forte mais constante. On monte. Nous n'avons aujourd'hui que 3L d'eau. Au bout de quelques heures, nous n'avons plus d'eau, la pente est carrément raide et il n'y a aucun répit contre le soleil implacable. Nous avions bien économisé l'eau au maximum, gorgée par gorgée quand nous avons réalisé les conditions mais ça n'a pas suffit. On rentre presqu'en transe, il faut bien continuer à monter, j'ai affreusement mal aux jambes et ma bouche est desséchée, je passe chaque minute à me dire que c'est qu'un moment éphémère et qu'on va y arriver, il suffit de mettre un pied devant l'autre. J'avale ma salive en me disant que tant que j'en ai c'est qu'on n'est pas encore mort de soif. C'est dur.

Thomas se pique les doigts sur un cactus pour attraper l'unique fruit mûr et accessible, je me mets plein d'épines dans les pouces à le peler avec mon couteau. Le fruit est minuscule, on le partage, c'est un délice qui nous transporte au paradis ! Sa chair est juteuse et sucrée, elle nous permet de continuer bien une heure avant de retomber dans notre transe infernale. Quand nous apercevons les premiers arbres, nous savons que nous n'en avons plus pour longtemps, c'est le soulagement général !

Bientôt le terrain est enfin plat, nous sommes sur le plateau. Un canal d'eau fraîche traverse le chemin, on se précipite et on bénit notre filtre. On remplit les bouteilles et on boit de longues gorgées avant de se regarder. « Cette eau, elle a pas un peu un goût de paille ? Oui, plutôt comme un goût de fumier en fait... » N'empêche qu'elle nous a bien rafraîchit !

On finit tout guilleret à Cabana Conde pour découvrir que nous avons raté le dernier bus de la journée alors il va falloir rentrer demain. Avant de quitte cette ville, on retourne dans un petit restau local pour manger un lomo saltado d'alpaca. Je suis un peu suspicieuse sur la viande... Quelques minutes plus tard, on a des crampes d'estomac et cinq heures de bus suivies d'un bus de nuit...