Nous voilà au Canada; fraîchement débarqués à Montréal et de dans l’été aussi!

Montréal donne une impression de grande ville avec un calme qui ressemble à celui de petites villes. Après toute l’agitation de Lima, marcher sous le soleil dans les nombreux parcs du centre-ville nous paraît très reposant.



Et ici, au Québec, ils parlent français! Il n’y a pas si longtemps nous étions en Polynésie Français donc on avait aussi parlé français là-bas mais après deux mois en espagnol et la moitié d’un monde traversé, retrouver la langue française est quand même une drôle de surprise. Le français au Québec est différent du français parlé en France, dans l’accent mais aussi les mots. Notre première rencontre avec ces différences se passe dans un bar, Thomas va pour payer et le serveur dit “Justine?”. Thomas se demande bien qui est “Justine” mais hoche la tête et le serveur n’insiste pas et on s’en va. La fois suivante, dans un restaurant, la serveuse nous dit à nouveau “Justine?”, on hoche la tête à nouveau mais on se regarde et quand elle s’en va, on se demande “C’est qui cette Justine dont ils parlent tous?”. En essayant d’imiter l’accent local, on le dit et soudainement on comprend “Juste une?”, en parlant de la note et de si on veut payer séparemment ou ensemble! C’est une question tellement peu habituelle en France où il est assumé qu’il y aura une note et que les gens doivent se débrouiller entre eux par la suite pour faire les comptes alors on n’y avait pas pensé tout de suite. On a un bon fou rire et on fait plus attention à partir de là.


Ma mère arrive le jour suivant, prête pour un tour en Gaspésie. Comme elle n’est là que pour deux semaines, nous avons choisi une belle région du Québec pour la visiter ensemble. Quand elle arrive, la première chose, après l’avoir serrée bien fort dans mes bras, est de lui montrer ce que j’ai fait. Un tatouage! Et pas un petit, fait à Tahiti, représentant ma famille, ma transformation et les concepts que j’aimerai centraux dans mon future. Après une grimace et avoir dit qu’elle m’a amené sur cette planète sans cicatrice sur mon corps, elle accepte et trouve même intéressant le sens des différents symboles entremêlés dans une hirondelle sur mon omoplate.

Ensuite je suis super heureuse car nous allons voir Adrien et Candice, des amis qui me sont très très chers et qui m’ont manqué depuis que nous sommes partis et ils sont là à Montréal pour quelques jours! Nous sommes invités à un bbq chez leurs amis dans un quartier résidentiel de Montréal, c’est vraiment un bon moment passé tous ensemble. Candice est enceinte et rayonne de bonheur, Adrien est toujours aussi gentil et content et ça me réchauffe le coeur de passer du temps avec eux, tout en réalisant que même si ce voyage est une expérience unique dans une vie, c’est aussi très dur d’être loin des amis et de la famille.

Nous profitons d’une belle journée ensemble au Jardin Botanique de Montréal qui a un jardin de comestibles et de plantes utiles très impressionnant avec plein d’épices différentes mais aussi différentes plantes utiles pour faire des textiles ou des teintures, j’ai du mal à m’en détacher quand il faut partir!

Listes de quelques plantes utiles notées là-bas:


Fleurs comestibles

Centaurée bleuet - cornflower

Hemerocalle

Valerian rouge

Monarde écarlate


Aromates

Herbe sucrée des aztèques lippia dulcis

Coriandre viet

Nigelle

Fenugrec

Sauge sclarée

Estragon

Sauge ananas

Oseille

Pourpied

The des bois - gaultherie


Textile

Jute

Pandanus pour tressage en polynesie

Totora junco et vetiver pour la vanneri


Plante à teinture

Oignon - brun rougeâtre au jaune

Coreopsis des teinturiers - orange

Sorgho des teinturières - rouge foncé

Cosmos soufré - jaune citron à orange avec mordant

Réséda des teinturiers - jaune

Carthame des teinturiers - rouge et rose

Amaranthe rouge

Mertensie maritime oysterleaf

Persicaire à indigo - bleu


La nuit est magnifique, c’est la pleine lune. Thomas, ma mère et moi profitons d’une magnifique feu d’artifice qui fait parti d’une compétition mondiale de feux d’artifice! C’est un moment innattendu et magique!

Le jour suivant nous louons une voiture et commençons notre road trip. La première chose que nous entendons quand on allume la radio “Nous sommes à quelques minutes d’une guerre entre l’Iran et les Etats-Unis.” Super. Finalement, soit le journaliste était vraiment trop dramatique ou les experts politiques sont juste incapables de prédire les réactions de notre monde moderne en général mais rien n’est arrivé jusque là, en tous cas pas cette guerre totale qui était prédite. Ca m’a fait pensé à la façon dont les journalistes et économistes de ce monde étaient tous effrayés, prédisant un chaos économique lorsque Trump avait annoncé sa “guerre” des taxes avec la Chine et le reste du monde et comment finalement rien n’est vraiment arrivé, en tous cas pas à l’échelle dramatique attendue. C’est comme si nous avions été nourri de mythes à propos des besoins inévitables du libre-échange et des ombres menaçantes de guerres imminentes ici ou là, nous empêchant de voir le monde tel qu’il est et surtout d’éviter toute action qui pourrait mener à moins de profits pour une petite fraction de la population. Presque comme si…?


L’item suivant aux nouvelles est la célébration entre Trudeau et Tusk concernant le CETA, un accord de libre échange qui donne encore plus de pouvoirs aux corporations pour faire des procès aux états et pour polluer le marché européen avec de la nourriture pas chère, produite à base d’énergie fossile. Et ils disent que le test pour déployer cet accord sera… la France. Super, et Macron qui donnerait n’importe quoi pour faire parti du club des grands libre-échangistes alors bien sûr il est à fond. Allez éteignons la radio et admirons plutôt les paysages magnifiques du Québec!

Nous avons un bon repas pour célébrer nos anniversaires avec ma mère à côté d’un lac, nous quittons la ville pour une succession incroyable de lacs et de forêts. Enfin nous sommes de retour dans la nature et l’air est frais et agréable. Nous passons par le GREB, l’éco-hameau de la Baie, mais il ne semble pas y avoir quelqu’un alors on regarde juste les maisons construites en bottes de paille de l’extérieur avant d’aller à Tadoussac où nous dégusterons notre première bière artisanale, débutant ainsi une habitude sur tout le road trip de s’arrêter dans une micro-brasserie tous les jours de ce voyage car ils ont fleuri partout en Gaspésie! Spécifiquement, je découvre là une Cream Ale qui a une texture velouté délicieuse!

Nous traversons en ferry vers Rimouski et profitons de la vue de quelques dauphins sautant dans le Saint-Laurent avant d’aller visiter le marché fermier. Nous découvrons l’ACER, un vin fait à partir de sirop d’érable. C’est vraiment intéressant et une belle façon de se diversifier à partir du sirop d’érable! Il a un goût bon et élégant, pas trop sucré ce qui est surprenant. J’adore ce marché aussi parce que nous y voyons quelques danseurs de Lindy Hop faire une démo, je les aurais bien rejoints pour danser un peu mais malheureusement j’ai mes tongs aux pieds et une petite timidité face aux inconnus aussi, chance ratée!

Nous allons ensuite aux Jardins de Métis. Nous profitons de deux choses en particulier là bas. Une maison construite avec plein de caractéristiques qui réduise son impact sur l’environnement. Nous y réalisons une petite vidéo sur une technologie intéressante. (ICI bientôt). La seconde chose est la compétition d’art dans le fond du jardin où les artistes ont créé d’énormes oeuvres d’art en utilisant le cadre naturel de l’endroit. On s’amuse beaucoup lors de cette visite très intéractive et on retrouve notre joie d’enfant sur des balançoires et en marchant sur des grains de maïs séchés pieds nus et en sautant sur un trampoline, ma mère incluse! De bons moments !

Nous roulons et nous retrouvons après quelques jours dans le Parc de Forillon où nous faisons une petite balade sympa jusqu’à une grande tour en bois pour un beau point de vue et nous avons la chance de voir un beau renard sur le bord de la route après. Nous cuisinons un délicieux repas avec un poulet fourré à la canette de bière stout rôti au four. La viande est très tendre grâce à la bière évaporée qui sue à travers l’épaisseur du poulet.

Pendant que nous apprécions les paysages, l’air marin frais et salé, la faune incroyable ainsi que la bonne nourriture et beaucoup de bières artisanales, nous passons par le bureau qui enregistre les véhicules et apprenons que ce n’est pas si compliqué d’acheter une voiture au Canada. En regardant les offres possibles, on voit aussi que les voitures ne sont pas si chères au Québec. Nous savons déjà que pour arriver à notre prochain volontariat ce sera un peu compliqué en l’absence de transport publique, excepté entre les grands centres urbains. De plus, pour traverser le Canada, ça nous permettrait de prendre notre temps et visiter des endroits plutôt que juste traverser dans un bus inconfortable de plusieurs jours sans rien voir. Nous décidons d’acheter une voiture d’occasion quand nous reviendrons à Montréal et de l’arranger pour pouvoir dormir dedans afin d’épargner un peu de sous. Notre budget n’a toujours pas récupéré de notre passage en Nouvelle-Zélande et nous savons que l’Amérique du nord n’est pas une partie peu chère du monde donc on espère faire quelques économies avec cet achat.

Dix jours dans notre road trip, nous arrivons à Percé où nous dormons chez un Airbnb super. Les hôtes sont carrément sympas et ils élèvent des canards. Ils nous en offrent même un congelé de la récolte de l’an dernier et nous avons un vrai festin avec et des bières qu’ils nous offrent de la micro-brasserie locale, on est bien gâté! Le jour suivant on part en excursion sur l’Île Bonaventure, cette île est plein d’oiseaux de plein d’espèces différentes et la plus impressionnante est le Fou de Bassan. Une colonie énorme est niché sur le bord de l’île. Une belle balade à travers l’île nous y amène et c’est une vue impressionnante; des centaines d’oiseaux qui nichent là quoiqu’en regardant de plus près, beaucoup des jeunes sont morts. Le guide nous a dit sur le bateau qu’il n’y a pas assez de poissons dans le coin cette année donc ils perdent beaucoup de bébés oiseaux. C’est une réalité cruelle et triste, certains oiseaux adultes qui nichent encore ou protègent leurs petits déjà morts.

A Matapédia nous avons la chance de visiter une petite exposition photo dans un magnifique cadre surplombant une vallée. Tom adore les photos, je ne les trouve pas terribles. Il y a un sens dans ces photos et l’artiste a réfléchit minutieusement l’arrangement pour raconter une histoire intéressante et qui donne un sens et un engagement à son œuvre. L’aspect visuel de la photo est très réaliste, avec des couleurs criardes et de forts contrastes, un sentiment un peu plat et kitch se dégage de la photo. Alors une photo est-elle réussie par son esthétique, ce qui est très subjectif, ou par le sens ou l’engagement de celle-ci ? C’est notre débat du jour.

Nous dormons à la maison d’hôte des Oiseaux Migrateurs dans la ville suivante. L’homme qui en prend soin a quitté la grande ville pour cette maison afin d’augmenter son autonomie en nourriture et de pouvoir choisir son rythme de vie. Serait-ce que la vie dans la campagne quoique plus relaxe même si le travail n’est pas nécessairement plus facile mais à un rythme différent, serait peut-être plus en harmonie avec le rythme naturel et permettrait aux humains de se sentir plus apaisés plutôt qu’entourés de murs de ciment?

Nous allons plus profond dans la Gaspésie et passons une nuit dans une pourvoirie, une sorte d’auberge au milieu de la forêt faite de grandes et belles cabines en bois bien confortables, construites par le père et le fils qui gèrent cet endroit. Les poutres sont magnifiques. Ils sont situés autour d’un lac sur lequel nous allons dans des bateaux à fond plat en fin d’après-midi avec eux afin d’aller observer des castors qui vivent là. Nous avons la chance de les admirer pendant un bon moment, nageant d’un nid à l’autre et même un sur la berge grignottant une branche et d’admirer leurs belles constructions.

Nous admirons des vues époustouflantes au Parc du Bic et osbervons des phoques allongés proches de la plage où nous marchons autour du bois flotté. Nous avons un bon petit repas léger et des bières à la micro-brasserie “Tête d’Allumette” qui est pleine de motards quand nous nous y arrêtons.

Finalement nous arrivons à la ville de Québec, c’est déjà presque la fin du road trip avec ma mère et je me sens vraiment heureuse d’avoir eu la chance de passer ces moments ensemble. Passer du temps adulte avec ses parents est tellement précieux; ce n’est pas toujours facile comme les parents et enfants savent très bien comment s’énerver en une seconde mais ces moments sont volés du flot impétueux du temps et doivent être chéris.


La vieille ville de Québec est un peu trop touristique pour nous même si c’est un beau mélange de murailles comme à Saint-Malo et de l’atmosphère de Montmartre. Nous préférons le quartier où nous dormons, un peu en dehors de la ville avec des rues bien larges, des arbres, un marché fermier et des micro-brasseries où on peut aller manger.

Avant de partir nous devons aller à l’Île d’Orléans bien sûr, même juste pour le nom. Nous ne sommes pas déçus! L’île est pleine d’artisans et de fermiers. Nous passons un moment délicieux à une dégustation de cidres et une autre de nougat. Comme nous sommes dans le coin nous passons voir les belles chutes de Montmorency qui sont très hautes et donnent une impression de cathédrale naturelle.

Puis nous sommes déjà de retour à Montréal, déposant ma mère à l’aéroport et happés à nouveau par le flot du temps, cherchant frénétiquement une voiture et un endroit pour dormir les deux prochains jours, fermant définitivement cette petite bulle gaspésienne surréelle en famille.